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    POEME D’hier

    GAUTIER  Théophile

    1811 - 1872

     
    DIAMANT
     DE COEUR

     Tout amoureux de sa maîtresse,
    Sur son cœur ou dans un tiroir,
    Possède un gage qu’il caresse
    Aux jours de regrets et d’histoire.

    L’un, d’une chevelure noire,
    Par un sourire encouragé,
    A pris une boucle que moire
    Un reflet bleu d’aile de geai.

    L’autre a, sur un cou blanc qui ploie,
    Coupé par derrière un flocon
    Retors et fin comme la soie
    Que l’on dévide du cocon.

    Un troisième, au fond d’une boite,
    Reliquaire du souvenir,
    Cache un gant blanc, de forme étroite,
    Où nulle main ne peut tenir.

    Cet autre, pour s’en faire un charma,
    Dans un sachet, d’un chiffre orné,
    Coud des violettes de Parme,
    Frais cadeau qu’on reprend fané.

    Moi, je n’ai ni boucle lustrée,
    Ni gant, ni bouquet, ni soulier,
    Mais je garde, empreinte adorée,
    Une larme sur un papier : 

     Pure rosée, unique goutte,
    D’un ciel d’azur tombée un jour,
    Joyau sans prix, perle dissoute
    Dans la coupe de mon amour !

    Et, pour moi, cette  obscure tache
    Reluit comme un écrin d’Ophyr,
    Et du vélin bleu se détache,
    Diamant éclos d’un saphir.

    Cette larme, qui fait ma joie,
    Roula, trésor inespéré,
    Sur un de mes vers qu’elle noie
    D’un œil qui n’a jamais pleuré !

    Diffusion François Beauval
    1ér trimestre 1975

     



    D 04-11-2011


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    *POEME D’hier

      

      

    BAUDELAIRE Charles

    1821 – 1867

     

     

     

     

     

     

     

    LA MORT

    DES AMANTS

     

     

     

     

     

     

    Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,

    Des divans profonds comme des tombeaux,

    Et d’étranges fleurs sur des étagères,

    Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

     

     

    Usant à l’envi leurs chaleurs dernières,

    Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,

    Qui réfléchiront leurs doubles lumières

    Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

     

     

    Un soir fait de rose et de bleu mystique,

    Nous échangerons un éclair unique,

    Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ;

     

     

    Et plus tard un ange, entr’ouvant les portes,

    Viendra ranimer, fidèle et joyeux,

    Les miroirs ternis et les flammes mortes.

     

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

    J G R C

     

     

     

     

     

    D  28-02-2012 


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    *POEME D’hier

     

    DORAT

    1734 - 1780

     

     

     

     

     

    LES BAISERS :

    LA FAUSSE PUDEUR

     

     

     

     

     

    Pourqui donc, matrones austères,

    Vous alarmez de mes accents ?

    Vous, jeunes filles trop sévères,

    Pourquoi redoutez vous mes chants ?

    Ai-je peint les enlèvements,

    Des passions les noirs orages

    Qui naissent aux cœurs des amants ?

    Le célèbre des jeux  paisibles,

    Qu’en vain on semble mépriser,

    Les vrais biens des âmes sensibles,

    Le doux mystère du baiser.

    Ma plume rapide et naive

    Ecrit ce qu’on sent en aimant :

    L’image n’est jamais lascive,

    Quand elle exprime en sentiment.

    Mais, quelle rougeur imprévue !

    Quoi ! Vos blâmez ces doux loisirs,

    Et n’osez reposer la vue

    Sur le tableau de nos plaisirs !...

     

    Profanes, que l’amour offense,

    Qu’effarouche la volupté,

    La pudeur a sa fausseté,

    Et le baiser son innocence.

    Ah ! Fuyez, fuyez loin de nous ;

    N’approchez point de ma maîtresse :

    Dans ses bras, Thaïs me presse.

    Et, par les transports les plus doux,

    Me communique son ivresse,

    Thais est plus chaste que vous.

    Ce zèle, ou votre cœur se livre,

    N’est que le masque du moment :

    Ce que vous fuyez dans un livre,

    Vous le cherchez dans un amant.

     

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

    J G R C

     

     

     

     

     

     

     D  18-02-2012


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    *POEME D’hier

     

    HELENE VACARESCO

    1866 – 1947

     

     

     

     

     

     

    IL PASSA

     

     

     

     

    Il passa ! J’aurai du sans doute

    Ne point paraître en son chemin ;

    Mais ma maison est sur sa route,

    Et j’avais des fleurs dans la main.

     

     

    Il parla : j’aurai du peut être

    Ne point m’enivrer de sa voix ;

    Mais l’aube emplissait ma fenêtre,

    Il faisait avril dans les bois.

     

     

    Il m’aima : j’aurai du sans doute

    N’avoir pas l’amour aussi prompt ;

    Mais, hélas ! Quand le cœur écoute,

    C’est toujours le cœur qui répond.

     

     

    Il partit : je devrais peut être

    Ne plus l’attendre et le vouloir ;

    Mais demain l’avril va paraître,

    Et, sans lui, le ciel sera noir.

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

    Collection personnelle
    J-G-R-C

     

     

     

     D  28-12-2012


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    *POEME D’hier

     

    KAHN  Gustave

    1859 – 1936

     

     

     

     

     

     

     

     

    LIED

     

     

     

    Le bonheur vient comme son rodeur,

    On est morne, on laisse passer.

    On parle de l’ancien malheur,

    Et c’est fini de l’aube claire.

     

     

    Le malheur glisse de son repaire,

    On est enlacé près du foyer doux,

    On n’entend pas ses flous

    Et c’est fini de l’été clair

     

     

    Et puis plus rien ne vient jamais,

    On attend devant sa porte :

    Des indifférents entrent, sortent,

    Et c’est fini de la vie claire.

     

     

    Oh ! Belle ! Gardons nos mains unies,

    Tant d’êtres pleurent sur les genoux,

    Gardons une seule âme en nous,

    Notre joie claire.

     

     

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

     

     

     

    Collection poèmes amoureux
    J-G-R-C

     

     

     

     

     

    D  01-03-2012

     


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    *POEME D’hier

      

    Clément MARROT

      

    1496 – 1544

     

     

     

     

     

     

     

    QU’AI-JE  MEFAIT…

     

     

     

     

    Qu’ai-je méfait, dites ma chère amie ?

    Votre amour semble être tout endormie :

    Je n’ai de vous plus de lettres, ni langage :

    Je n’ai de vous un seul petit message,

    Plus ne nous vois  aux lieux accoutumés.

    Sont jà éteints vos désirs allumés,

    Qui avec moi d’un même feu ardaient ?

     

    Où sont ces yeux lesquels me regardaient

    Souvent en ris, avecques larmes ?

    Où sont les mots qui tant m’ont fait d’alarmes ?

     

    Où est la bouche aussi qui m’apaisait

    Quand tant de fois et si bien me baisait ?

    Où est le cœur qui irrévocablement

    M’avez donné ? Où est semblablement

    La blanche main, qui fort bien m’arrêtait

    Quand de partir de vous besoin m’était.

     

    Hélas, amants, hélas, se peut il faire,

    Qu’amour si grand se puisse ainsi défaire ?

    Je penserais plutôt que les ruisseaux

    Feraient aller encontre mont leurs eaux,

    Considérant que de fait, ni pensée

    Ne l’ai encor, que je sache, offensée.

     

    Donques, amour, qui couve sous tes ailes

    Journellement les cœurs des damoiselles,

    Ne laisse pas trop refroidir celui

    De celle là, pour qui j’ai tant d’ennui :

    Où trompe moi en me faisant entendre

    Qu’elle a le cœur bien ferme, et fut il tendre.

     

     

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

    J G R C

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    D  18-02-2012


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    *POEME D’hier

     

    Henri de REGNIER

    1864 – 1936

     

     

     

     

     

     

    JULIE

    AUX YEUX D’ENFANT

     

     

     

    Lorsque Julie est nue et s’apprête au plaisir,

    Ayant jeté la rose ou s’amusait sa bouche,

    On ne voit dans ses yeux ni honte ni désir ;

    L’attente ne la rend ni tendre ni farouche.

     

     

    Sur son lit ou le drap mêle sa fraîche odeur

    Au parfum doux et chaud de sa chair savoureuse,

    En silence, elle étend sa patiente ardeur

    Et son oisive main couvre sa toison creuse.

     

     

    Elle prépare ainsi, sans curiosité,

    Pour l’instant du baiser sa gorge et son visage,

    Car, fleur trop tôt cueillie et fruit trop tôt goûté,

    Julie aux yeux d’enfant est jeune et n’est plus sage!

     

     

    Sa chambre aux murs savants lui montre en ses miroirs

    Elle-même partout répétée autour d’elle

    Ainsi qu’en d’autres lits elle s’est, d’autres soirs,

    Offerte, indifférente, en sa grâce infidèle.

     

     

    Mais lorsque entre ses bras on la serre et l’étreint,

    La caresse importune en son esprit n’éveille

    Que l’écho monotone, ennuyeux et lointain

    De quelque autre caresse, à celle là pareille;

     

     

    C’est pourquoi, sans tendresse, hélas! Et sans désir,

    Sur ce lit insipide ou sa beauté la couche

    Elle songe à la mort et s’apprête au plaisir,

    Lasse d’être ce corps, ces membres, cette bouche…

     

     

    Et pourquoi, O Julie, ayant goûté ta chair,

    De ta jeunesse vaine et stérile on emporte

    Un morne souvenir de ton baiser amer,

    Julie aux yeux d’enfant, qui voudrais être morte!

     

     

     

     

     

     

    Diffusion François Beauval

    1ér trimestre 1975

     

    J G R C

     

     

     

     

     

     

    R D  20-09-2022   D  10-04-2012

     


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