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Par 56 J-G-R-C 77 le 1 Mai 2014 à 00:01
*POEME D’hier
DE BONNARD
1744 – 1784
BILLET DU MATIN
O mon amie ! o ma maîtresse !
En croirai jeces vers charmants
Et cette prose enchanteresse ?
Que j’aime ta délicatesse,
Tes transports, tes vœux, tes serments
Et tes combats ; et ton ivresse !
Des pleurs échappés de mes yeux
Ont mouillé ces vers pleins de charmes ;
Mais qu’ils étaient délicieux !
Que de volupté dans les larmes !
Toi que j’aimerais beaucoup plus
Si mes feux dès longtemps accrus
Pouvaient jamais s’accroître encore,
N’afflige point par tes refus
L’amant éprouvé qui t’adore.
N’en crois que nos vœux et nos cœurs :
Ne mets point l’amour en système.
Si tu ne dois que des rigueurs
A l’homme heureux que ton cœur aime,
Pour qui seront donc tes faveurs ?
Pour qui seront donc ces caresses,
Ces appas voilés et secrets,
Ces baisers d’avant et d’après,
Ces voluptueuses tendresses
Qui de l’amour sont les bienfaits ?
Loin de nous la froide prudence
Qui veut lire dans l’avenir !
L’amour, jaloux de sa puissance,
Saurait peut être nous punir
D’une funeste prévoyance.
Au lieu d’accuser ma constance,
Couronne la par les plaisirs.
Dans le sein de la jouissance,
Redoublons encor de désirs ;
Et puisque, malgré nos soupirs,
Le sort nous destine à l’absence,
Ménageons nous des souvenirs.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
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Par 56 J-G-R-C 77 le 18 Mars 2014 à 00:04
*POEME D’hier
VOLTAIRE
1694 – 1778
A MADAME DU CHATELET
Si vous voulez que je vous aime,
Rendez moi l’age des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.
Des beaux lieux ou le dieu du vin
Avec l’amour tient son empire,
Le temps, qui me prends par la main,
M’avertit que je me retire.
De son inflexible rigueur
Tirons au moins quelque avantage.
Qui n’a pas l’esprit de son age,
De son age a tout le malheur.
Laissons à la belle jeunesse
Ses folâtres emplacements :
Nous ne vivons que deux moments ;
Qu’il en soit un pour la sagesse.
Quoi ! pour toujours vous me fuyez.
Tendresse, illusion, folie,
Dons du ciel, qui me consoliez
Des amertumes de la vie !
On meurt deux fois, je le vois bien :
Cesser d’aimer et d’être aimable,
C’est une mort insupportable ;
Cesser de vivre, ce n’est rien.
Ainsi je déplorais la perte
Des erreurs de mes premiers ans ;
Et mon âme, aux désirs ouverte,
Regrettait ses égarements.
Du ciel alors daignant descendre,
L’amitié vint à mon secours ;
Elle était peut être aussi tendre,
Mais moins vive que les amours.
Touché de sa beauté nouvelle,
Et sa lumière éclairée,
Je la suivis ; mais je pleurai
De ne pouvoir plus suivre qu’elle.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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Par 56 J-G-R-C 77 le 5 Février 2014 à 02:07
*POEME D’hier
SCEVE Maurice
1501 - 1560
DELIE
Libre vivais en l’Avril de mon âge,
De cure exempt sous celle adolescence,
Ou l’œil, encor non expert en dommage,
Se vit surpris de la douce présence,
Qui par sa haute et divine excellence
M’étonna l’âme, et le sens tellement,
Que de ses yeux l’archer tout bellement
Ma liberté lui a toute asservie :
Et dès ce jour continuellement
En sa beauté gît ma mort, et ma vie.
Plus tôt seront Rhône et Saône disjoints
Que d’avec toi mon cœur se désassemble ;
Plutôt seront l’un, et l’autre, Mont joints,
Qu’avecques nous aucun discord s’assemble ;
Plus tôt verront et toi, et moi ensemble
Le Rhône aller contremont lentement,
Saône monter très violentement,
Que ce mien feu tant soit peu diminue,
Ni que ma foi décroisse aucunement,
Car ferme amour sans eux est pus que nue.
Et toi je vis, ou que tu sois absente :
En moi je meurs, ou que je sois présent.
Tant loin sois – tu, toujours tu es présente :
Pour près que sois, encore suis- absent.
Et si nature outragée se sent
De me voir vivre en toi plus qu’en moi :
Le haut pouvoir, qui ouvrant sans émoi,
Infuse l’âme en ce mien corps passible,
La prévoyance sans son essence en soi,
En toi l’étend, comme en son plus possible.
Entre tes bras, ô heureux, près du cœur
Elle te serre en grand’ délicatesse :
Et me repousse avec toute vigueur
Tirant de toi sa joie, et sa liesse.
De moi plaincts, pleurs et mortelle tristesse
Loin du plaisir, qu’en toi elle comprend,
Mais en ses bras, alors qu’elle te prend,
Tu ne sens point sa flamme dommageable,
Qui jour et nuit, sans la toucher, me rend :
Heureusement pour elle misérable.
Seul avec moi, elle avec sa partie :
Moi en ma peine, elle en sa molle couche.
Couvert d’ennui je me vautre en l’ortie,
.et elle nue entre ses brasse se couche.
Ha (lui indigne) il la tient, il la touche :
Elle souffre ; et comme moins robuste,
Viole amour par ce lien injuste,
Que droit humain, et non divin, a fait.
O sainte loi, à tous, fors à moi, juste,
Tu me punis pour elle avoir méfait.
De toi la douce, et fraîche souvenance
Du premier jour, qu’elle m’entra au cœur
Avec ta haute et humble contenance,
Et ton regard d’Amour même vainqueur,
Y dépeignit par si viveliqueur
Ton effigie au vif tant ressemblante,
Que depuis l’âme étonnée, et tremblante
De jour l’admire, et la prie sans cesse :
Et sur la nuit tacite, et sommeillante,
Quand tout repose, encor moins elle cesse.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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Par 56 J-G-R-C 77 le 29 Janvier 2014 à 00:01
*POÈME D’hier
Clément MARROT
1496 – 1544
De ROBIN
Et de CATIN
Un jour d’yver, Robin tout esperdu
Vint a catin présenter sa requeste,
Pour desgeler son chose morfondu
Qui ne pouvoit quasi lever la teste ;
Incontinent, Catin fut preste.
Robin aussi prend courage et s’accroche.
On se remue, on se joue, on se hoche,
Puis quand ce vint au naturel debvoir ;
« Ha ! dit Catin, le grand desgel approche.
- Voyre, dit-il, car il s’en va pleuvoir. »
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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Par 56 J-G-R-C 77 le 15 Novembre 2013 à 04:00
*POEME D’hier
Georges FOUREST
1865 – 1945
LE CID
Va, je ne te hais point.
P. CORNEILLE.
Le palais de Gormaz, comte et gobernador
Est en deuil : pour jamais dort couchés sous la pierre
L’hidalgo dont le sang a rougi la rapière
De Rodrigue appelé le Cid Campeador.
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador
Et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
Regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or…
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
Sur la plazza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
Le héros meurtrier à pas lent se promène :
« Dieu ! » soupire à part soi la plaintive Chimène,
« Qu’il est joli garçon l’assassin de papa ! »
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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Par 56 J-G-R-C 77 le 23 Octobre 2013 à 02:47
*POEME D’HIERMAETERLINCK Maurice
1862 - 1942
ET S’IL REVENAIT
UN JOUR…
Et s’il revenait un jour
Que faut il lui dire ?
-Dites lui qu’on l’attendit
Jusq’à s’en mourir…
Et s’il m’interroge encore
Sans me reconnaître ?
-Parler lui comme une sœur,
Il souffre peut être…
Et s’il demande ou vous etes
Que faut il répondre ?
-Donnez lui mon anneau d’or
Sans rien lui répondre…
Et s’il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
-Montrez lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte…
Et s’il m’interroge alors
Sur la dernière heure ?
-Dites lui que j’ai souri
De peur qu’il ne pleure…
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C
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Par 56 J-G-R-C 77 le 30 Août 2013 à 03:32
*POEME D’hier
BERNIS
1715 – 1794
LES PETITS TROUS
Ainsi qu’ébé, la jeune Pompadour
A deux jolis trous sur sa joue ;
Deux trous charmants ou le plaisir se joue,
Qui furent faits par la main de l’amour.
L’enfant ailé, sous un rideau de gaze,
La vit dormir et la prit pour Psyché.
Qu’elle était belle ! A l’instant il s’embrasse.
Sur ses appas il demeure attaché.
Plus il la voit, plus son délire augmente ;
Et, pénétré d’une si douce erreur,
Il veut mourir sur sa bouche charmante ;
Heureux encor de mourir son vainqueur !
Enchanté des roses nouvelles,
D’un teint, dont l’éclat éblouit,
Il les touche du doigt, elles sont plus belles ;
Chaque fleur sous sa main s’ouvre et s’épanouit.
Pompadour se réveille, et l’amour en soupire ;
Il perd tout son bonheur en perdant son délire :
L’empreinte de son doigt forma ce joli trou,
Séjour aimable du sourire,
Dont la plus sage serait fou.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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