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Par 56 J-G-R-C 77 le 25 Avril 2012 à 16:00
*POEME D’hier
Henri de REGNIER
1864 – 1936
JULIE
AUX YEUX
D’ENFANT
Lorsque Julie est nue et s’apprête au plaisir,
Ayant jeté la rose ou s’amusait sa bouche,
On ne voit dans ses yeux ni honte ni désir ;
L’attente ne la rend ni tendre ni farouche.
Sur son lit ou le drap mêle sa fraîche odeur
Au parfum doux et chaud de sa chair savoureuse,
En silence, elle étend sa patiente ardeur
Et son oisive main couvre sa toison creuse.
Elle prépare ainsi, sans curiosité,
Pour l’instant du baiser sa gorge et son visage,
Car, fleur trop tôt cueillie et fruit trop tôt goûté,
Julie aux yeux d’enfant est jeune et n’est plus sage !
Sa chambre aux murs savants lui montre en ses miroirs
Elle-même partout répétée autour d’elle
Ainsi qu’en d’autres lits elle s’est, d’autres soirs,
Offerte, indifférente, en sa grâce infidèle.
Mais lorsque entre ses bras on la serre et l’étreint,
La caresse importune en son esprit n’éveille
Que l’écho monotone, ennuyeux et lointain
De quelque autre caresse, à celle là pareille ;
C’est pourquoi, sans tendresse, hélas ! Et sans désir,
Sur ce lit insipide ou sa beauté la couche
Elle songe à la mort et s’apprête au plaisir,
Lasse d’être ce corps, ces membres, cette bouche…
Et pourquoi, O Julie, ayant goûté ta chair,
De ta jeunesse vaine et stérile on emporte
Un morne souvenir de ton baiser amer,
Julie aux yeux d’enfant, qui voudrais être morte !
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 22 Avril 2012 à 16:00
*POEME D’hier
CHARLES D’ORLEANS
1391 – 1465
PRENEZ TOT
CE BAISER
Prenez tôt ce baiser, mon cœur,
Que ma maîtresse vous présente,
La belle, bonne, jeune et gente,
Par sa très grande grâce et douceur.
Bon guet ferai, sur mon honneur,
Afin que danger rien n’en sente.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur,
Que ma maîtresse vous présente,
Danger, toute nuit, en labeur,
A fait guet : or gît en sa tente.
Accomplissez bref votre entente,
Tandis qu’il dort : c’est le meilleur.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 17 Avril 2012 à 16:00
*POEME D’hier
BAUDELAIRE Charles
1821 – 1867
LA GEANTE
Du temps que la nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante,
Comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux.
J’eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ses terribles jeux ;
Deviner si son cœur couvre une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux ;
Parcourir a loisir ses magnifiques formes ;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,
Lasse, la font s’étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’une montagne.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 15 Avril 2012 à 16:00
*POEME D’hier
Christine de PISAN
1364 – 1430
LA FILLE
QUI N’A POINT D’AMI
A qui dira t- elle sa peine,
La fille qui n’a point d’ami?
La fille qui n’a point d’ami,
Comment vit –elle?
Elle ne dort jour et demi
Mais toujours veille.
Ce fait amour qui la réveille
Et qui la garde de dormir.
A qui dit elle sa pensée,
La fille qui n’a point d’ami ?
Il y en a bien qui en ont deux,
Deux, trois ou quatre
Mais je n’en ai pas un tout seul
Pour moi ébattre.
Hélas, mon joli temps se passe
Mon téton commence à mollir.
A qui dit elle sa pensée,
La fille qui n’a point d’ami?
J’ai le vouloir si très humain
Et tel courage
Que plus tôt anuit que demain
En mon jeune age
J’aimerai mieux mourir de rage
Que de vivre en un tel ennui.
A qui dit elle sa pensée,
La fille qui n’a point d’ami ?
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 13 Avril 2012 à 16:00
*POEME D’hier
DORAT
1734 – 1780
LES BAISERS :
LA FAUSSE PUDEUR
Pourquoi donc, matrones austères,
Vous alarmer de mes accents ?
Vous jeunes filles trop sévères,
Pourquoi redoutez vous mes chants ?
Ai-je peint les enlèvements,
Des passions les noirs orages
Qui naissent aux cœurs des amants ?
Je célèbre des jeux paisibles,
Qu’en vain on semble mépriser,
Les vrais biens des âmes sensibles,
Le doux mystère du baiser.
Ma plume rapide et naïve
Ecrit ce qu’on sent en aimant :
L’image n’est jamais lascive,
Quand elle exprime un sentiment.
Mais, quelle rougeur imprévue!
Quoi ! Vous blâmez ces doux loisirs,
Et n’osez reposer la vue
Sur le tableau de nos plaisirs !...
Profanes, que l’amour offense,
Qu’effarouche la volupté,
La pudeur et sa fausseté,
Et le baiser son innocence.
Ah ! Fuyez, fuyez loin de nous ;
N’approchez point de ma maîtresse :
Dans ses bras, quand Thaïs me presse,
Et, par les transports les plus doux,
Me communique son ivresse,
Thaïs est plus chaste que vous.
Ce zèle, ou votre cœur se livre,
Ce que vous fuyez dans un livre,
Vous le cherchez dans un amant.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 9 Avril 2012 à 16:00
*POÈME D’hier
Henri de REGNIER
1864 – 1936
ODELETTE
Si j’ai parlé
De mon amour, c’est à l’eau lente
Qui m’écoute quand je me penche
Sur elle ; si j’ai parlé
De mon amour, c’est au vent
Qui rit et chuchote entre les branches ;
Si j’ai parlé de mon amour, c’est à l’oiseau
Qui passe et chante
Avec le vent :
Si j’ai parlé
C’est à l’écho.
Si j’ai aimé de grand amour,
Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux ;
Si j’ai aimé de grand amour,
Ce fut la bouche grave et douce,
Ce fut la bouche ;
Si j’ai aimé de grand amour,
Ce furent ta chair tiède et tes mains fraîches,
Et c’est ton ombre que je cherche.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C
16h00
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Par 56 J-G-R-C 77 le 31 Mars 2012 à 16:00
*POEME D’hier
BAUDELAIRE Charles
1821 – 1867
A CELLE
QUI EST TROP
GAIE
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l’esprit des poètes
L’image d’un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l’emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t’aime !
Quelques fois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J’ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein :
Et le printemps, et la verdure
Ont tant humilié mon cœur,
Que j’ai puni sur une fleur
L’insolence de la nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l’heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit.
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse.
Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma sœur.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C
16h00
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