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POEME D'HIER

 

 

 

*POEME D’hier

 

Henri de REGNIER

1864 – 1936

 

 

 

 

 

 

JULIE

AUX YEUX

D’ENFANT

 

 

 

Lorsque Julie est nue et s’apprête au plaisir,

Ayant jeté la rose ou s’amusait sa bouche,

On ne voit dans ses yeux ni honte ni désir ;

L’attente ne la rend ni tendre ni farouche.

 

 

Sur son lit ou le drap mêle sa fraîche odeur

Au parfum doux et chaud de sa chair savoureuse,

En silence, elle étend sa patiente ardeur

Et son oisive main couvre sa toison creuse.

 

 

Elle prépare ainsi, sans curiosité,

Pour l’instant du baiser sa gorge et son visage,

Car, fleur trop tôt cueillie et fruit trop tôt goûté,

Julie aux yeux d’enfant est jeune et n’est plus sage !

 

 

Sa chambre aux murs savants lui montre en ses miroirs

Elle-même partout répétée autour d’elle

Ainsi qu’en d’autres lits elle s’est, d’autres soirs,

Offerte, indifférente, en sa grâce infidèle.

 

 

Mais lorsque entre ses bras on la serre et l’étreint,

La caresse importune en son esprit n’éveille

Que l’écho monotone, ennuyeux et lointain

De quelque autre caresse, à celle là pareille ;

 

 

C’est pourquoi, sans tendresse, hélas ! Et sans désir,

Sur ce lit insipide ou sa beauté la couche

Elle songe à la mort et s’apprête au plaisir,

Lasse d’être ce corps, ces membres, cette bouche…

 

 

Et pourquoi, O Julie, ayant goûté ta chair,

De ta jeunesse vaine et stérile on emporte

Un morne souvenir de ton baiser amer,

Julie aux yeux d’enfant, qui voudrais être morte !

 

 

 

 

 

 

Diffusion François Beauval

1ér trimestre 1975

 

J G R C

 

 

16h00

 

 

 

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