Par 56 J-G-R-C 77
POEME D’hier
GAUTIER Théophile
1811 - 1872
DIAMANT
DE COEUR
Tout amoureux de sa maîtresse,
Sur son cœur ou dans un tiroir,
Possède un gage qu’il caresse
Aux jours de regrets et d’histoire.
L’un, d’une chevelure noire,
Par un sourire encouragé,
A pris une boucle que moire
Un reflet bleu d’aile de geai.
L’autre a, sur un cou blanc qui ploie,
Coupé par derrière un flocon
Retors et fin comme la soie
Que l’on dévide du cocon.
Un troisième, au fond d’une boite,
Reliquaire du souvenir,
Cache un gant blanc, de forme étroite,
Où nulle main ne peut tenir.
Cet autre, pour s’en faire un charma,
Dans un sachet, d’un chiffre orné,
Coud des violettes de Parme,
Frais cadeau qu’on reprend fané.
Moi, je n’ai ni boucle lustrée,
Ni gant, ni bouquet, ni soulier,
Mais je garde, empreinte adorée,
Une larme sur un papier :
Pure rosée, unique goutte,
D’un ciel d’azur tombée un jour,
Joyau sans prix, perle dissoute
Dans la coupe de mon amour !
Et, pour moi, cette obscure tache
Reluit comme un écrin d’Ophyr,
Et du vélin bleu se détache,
Diamant éclos d’un saphir.
Cette larme, qui fait ma joie,
Roula, trésor inespéré,
Sur un de mes vers qu’elle noie
D’un œil qui n’a jamais pleuré !
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
D 04-11-2011
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