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Par 56meldix77 le 16 Janvier 2016 à 00:04
POÈME D’hier
DE BONNARD
1744 – 1784
BILLET DU MATIN
O mon amie ! O ma maîtresse !
En croirai je ces vers charmants
Et cette prose enchanteresse ?
Que j’aime ta délicatesse,
Tes transports, tes vœux, tes serments,
Et tes combats, et ton ivresse !
Des pleurs échappés de mes yeux
Ont mouillé ces vers pleins de charme :
Mais qu’ils étaient délicieux !
Que de volupté dans les larmes !
Toi que j’aimerais toujours plus,
Si mes feux dès longtemps accrus
Pouvaient jamais s’accroître encore,
N’afflige point par tes refus
L’amant éprouvé qui t’adore.
N’en croit que nos vœux et nos cœurs :
Ne mets point l’amour en système.
Si tu ne dois que des rigueurs
A l’homme heureux que ton cœur aime,
Pour qui seront donc tes faveurs,
Pour qui seront donc ces caresses,
Ces appas voilés et secrets,
Ces baisers d’avant et d’après,
Ces voluptueuses tendresses
Qui de l’amour sont les bienfaits,
Loin de nous la froide prudence
Qui veut lire dans l’avenir !
L’amour, jaloux de sa puissance,
Saurait peut être nous punir
D’une funeste prévoyance.
Au lieu d’accuser ma constance,
Couronne la par les plaisirs.
Dans le sein de la jouissance,
Couronne la par les plaisirs.
Dans le sein de la jouissance,
Redoublons encor de désirs :
Et puisque, malgré nos soupirs,
Le sort nous destine à l’absence,
Ménageons nous des souvenirs.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C-
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Par 56meldix77 le 10 Décembre 2015 à 01:41
*POÈME D’hier
Paul VALERY
1871– 1945
ANNE
A André LEBEY
Anne qui se mélange au drap pale et délaisse
Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts
Mire ses bras lointains tournés avec mollesse
Sur la peau sans couleur du ventre découvert.
Elle vide, elle enfle d’ombre gorge lente,
Et comme un souvenir pressant ses propres chairs,
Une bouche brisée et pleine d’eau brûlante
Roule le goût immense et le reflet mers.
Enfin désemparée et libre d’être fraîche,
La dormeuse déserte aux touffes de couleur
Flotte sur son lit blême, et d’une lèvre sèche,
Tette dans les ténèbres un souffle amer de fleur.
Et sur le linge ou l’aube insensible se plisse,
Tombe, d’un bras de glace effleuré de carmin,
Toute une main défaite et perdant le délice
A travers ses doigts nus dénoués l’humain.
Au hasard ! A jamais, dans le sommeil sans
hommes
Pur des tristes éclairs de leurs embrasements
Elle laisse rouler les grappes et les pommes
Puissantes, qui pendaient aux treilles
d’ossements,
Qui riaient, dans leurs ambre appelant les vendanges,
Et dont le nombre d’or de riches mouvements
Invoquait la vigueuret les gestes étranges
Que pour tuer l’amour invente les amants...
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C-
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Par 56meldix77 le 19 Novembre 2015 à 00:01
*POEME D’hier
MOLINET Jean
+ 1507
CESTE FILLETTE
Ceste fillette à qui le tétin poinct,
Qui est tant gente et a les yeulx si vers,
Ne luy soyez ne rude ne pervers,
Mais la traictez doulcement et à poinct.
Despouillez vous et chemise et pour poinct
Et la gectez sur ung lict à l’envers,
Ceste fillette.
Après cela, si vous estes en poinct,
Accollez la de long et de travers,
Et si elle a les deux genoulx ouvers
Donnez dedans et ne l’espargnez poinct,
Ceste fillette.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J G R C
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Par 56meldix77 le 12 Novembre 2015 à 00:33
*pOEME D’hier
BAUDELAIRE Charles
1821 – 1867
CHANSON
D’APRES MIDI
Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n’est pas celui d’un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,
Je t’adore, o ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du pretre pour son idole.
Le désert et la foret
Embaument tes tresses rudes,
Ta tète a les attitudes
De l’énigme et du secret.
Sur ta chair le parfum rode
Comme autour d’un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.
Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la paresse,
Qui fait revivre les morts !
Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.
Quelque fois pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;
Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon cœur
Ton œil doux comme la lune.
Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,
Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Ma noire Sibérie !
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C-
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Par 56meldix77 le 15 Octobre 2015 à 00:14
*POÈME D’hier
Hégésippe MOREAU
1364 – 1430
L’amantTIMIDE
A seize ans, pauvre et timideDevant les plus frais appas,
Le cœur battant, l’œil humide,
Je voulais et n’osais pas,
Et je priais, et sans cesse
Je répétais dans mes vœux :
« Jésus ! Rien qu’une maîtresse ;
Rien qu’une maîtresse…ou deux ! »
Lors une beauté, qui daigne
M’agacer d’un air moqueur,
Me dit : « enfant, ton cœur saigne,
Et j’ai pitié de ton cœur.
Pour te guérir quel dictame
Faut il donc, pauvre amoureux ?
-Oh ! Rien qu’un baiser, madame !
Oh ! Rien qu’un baiser… ou deux »
Puis le beau docteur, qui raille,
Me tâte le pouls, et moi,
En façon de représailles,
Je tâte je ne sais quoi !
« Où sont ces lèvres de flamme ?
Où vont ces doigts curieux ?
-Puisque j’en tiens un, madame,
Laissez moi prendre les deux. »
La coquette sans alarmes
Rit si bien mon amour,
Que j’eus à baiser des larmes
Quand je riais à mon tour.
Elle sanglote et se pâme :
« Qu’avons nous fait là, grand dieu ?
Oh ! Rien qu’un enfant, madame.
Oh ! rien qu’un enfant … ou deux ! »
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
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Par 56meldix77 le 8 Octobre 2015 à 00:08
*POÈME D’hier
Pernette du GUILLET
1520 – 1545
CHANSON
Quand vous voyez que l’étincelle
Du chaste amour sous mon aisselle
Viens tous les jours à s’allumer,
Ne me devez vous bien aimer ?
Quand vous me voyez toujours celle
Qui pour vous souffre et son mal cède,
Me laissant par lui consumer,
Ne me devez vous bien aimer ?
Quand vous voyez, que pour moins belle
Je ne prends contre vous querelle,
Mais pour mien vous veux réclamer,
Ne me devez vous bien aimer ?
Quand pour quelque autre amour nouvelle
Jamais ne vous serait cruelle,
Sans aucune plainte former,
Ne me devrez vous bien aimer ?
Quand vous verrez que sans cautelle
Toujours vous serai été telle
Que le temps pourra l’affirmer,
Ne me devrez vous bien aimez ?
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C-
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Par 56meldix77 le 26 Janvier 2015 à 00:16
*POÈME D’hier
Paul VALERY
1871– 1945
LES PAS
Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent, muets et glacés.
Personne pure, ombre divine,
Qu’ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !…tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !
Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l’apaiser,
A l’habitant de mes pensées
La nourriture d’un baiser.
Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d’être et de n’être pas,
Car j’ai vécu de vous attendre,
Et mon cœur n’était que vos pas.
Diffusion François Beauval
1ér trimestre 1975
J-G-R-C-
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